Matin Breton
La Bouquine :: Ecriture :: Extraits
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Matin Breton
Je ne suis pas marin mais je me suis toujours rêvé tel, un marin de terre, j’aime la vision des petits ports bretons enchâssés dans la cote échancrée, digue de granit, maisons massives dominant la anse, le port de plaisance à l’abri de ces murs est un amphithéâtre : mouvements des bateaux, souffle du vent, tintement des gréements, claquement des voiles qu’on hisse ou affale, sifflement des drisses glissant sur les gréements, bruit de moteurs, va et vient des marins, du weekend ou de l’année, le soleil joue de ses reflets sur l’accastillage, sur un hublot ou un angle du pont, spectateur de ses vies.
Ce matin le ciel est blanc-bleu, le soleil est de sorti, soleil marin, douce chaleur à l’abri, chaire de poule dehors, le port de plaisance joue les belles endormies, sur l’eau étale le village semble se refléter, l’air est calme, un léger souffle fait tinter quelques gréements, seuls sons troublant le port encore somnolant
Un vol de mouettes passent doucement, on dirait un dessin de Folon, j’aimerai faire de cet instant une éternité.
De l’autre coté de la baie le port de commerce vit à son rythme, un bateau est à quai, il était déjà là hier, un céréalier panneaux ouverts, derrière, donjon redoutable, domine l’immense silo à grain. Une grue kangourou décharge le bateau, la distance gomme les bruits, les mouvements semblent silencieux, la flèche se lève tel le cou désarticulé d’un monstrueux insecte d’acier, les haubans vont et viennent, le cou se balance doucement, de droite et de gauche, la benne monte et descend, mandibule de l’énorme mante affamée, creusant et se gavant du ventre ouvert du bateau, avant de nourrir ses larves, image prodigieuse de becquées mécanisées. A coté quatre engins de manutentions s’alignent, soldats de plombs figés dans un salut improbable. Seul le portique de chargement immobile donne une réalité à cette vision hallucinée.
La navette maritime contourne la digue, petit catamaran trapu festonné de fanions flottant aux vents lui donnant un air de caravane publicitaire. Il est midi, elle arrive de Port-Louis, un couple débarque, touristes perdus ? Le bateau ne reste pas longtemps à l’amarrage, il manœuvre agilement et repart vers le Port de pêche, en longeant l’ilot Saint-Michel.
Un couple s’est assis à une table à coté, le bonhomme est au téléphone, il prend des nouvelles d’amis qui sont à l’Ile d’Yeux, visiblement ils ont accosté il y a peu, impossible d’ignorer sa discussion, il répète ad noseam les mêmes mots, sa femme surveille le chien, qui va joyeusement marquer de son territoire chaque plate bande qui entoure le café. Elle l’appelle sans conviction, elle est payée en retour par l’indifférence de son chien. Au fond je vois la navette maritime qui a atteint le Port de Péche, même manœuvre rapide, elle prend son chargement d’habitués et revient vers le port de plaisance, mouvement de va et vient, au fond la grue continue de son rythme pendulaire le chargement. Comme au premier passage la navette est à peine restée, elle repart presque aussitôt, reprenant la direction de son port d'attache, c'est une navette: point d'aventure ni d'appel du grand large, juste un bateau un peu gros un peu pataud tournicotant dans son circuit triangulaire. Des collégiennes qui descendent du bateau s’arrêtent au café, un coureur passe en petites foulées, prend la direction de la digue, il va jusqu’au musoir, sans doute vérifier qu’il y a bien une fin à son univers, il fait demi-tour repasse devant la terrasse, la même foulée. Je vois passer la navette devant le fort de Port-Louis qui, avec la vigie à l’avant dominant la passe, joue les bateaux de pierre.
Chorégraphie de rituels.
Ce matin le ciel est blanc-bleu, le soleil est de sorti, soleil marin, douce chaleur à l’abri, chaire de poule dehors, le port de plaisance joue les belles endormies, sur l’eau étale le village semble se refléter, l’air est calme, un léger souffle fait tinter quelques gréements, seuls sons troublant le port encore somnolant
Un vol de mouettes passent doucement, on dirait un dessin de Folon, j’aimerai faire de cet instant une éternité.
De l’autre coté de la baie le port de commerce vit à son rythme, un bateau est à quai, il était déjà là hier, un céréalier panneaux ouverts, derrière, donjon redoutable, domine l’immense silo à grain. Une grue kangourou décharge le bateau, la distance gomme les bruits, les mouvements semblent silencieux, la flèche se lève tel le cou désarticulé d’un monstrueux insecte d’acier, les haubans vont et viennent, le cou se balance doucement, de droite et de gauche, la benne monte et descend, mandibule de l’énorme mante affamée, creusant et se gavant du ventre ouvert du bateau, avant de nourrir ses larves, image prodigieuse de becquées mécanisées. A coté quatre engins de manutentions s’alignent, soldats de plombs figés dans un salut improbable. Seul le portique de chargement immobile donne une réalité à cette vision hallucinée.
La navette maritime contourne la digue, petit catamaran trapu festonné de fanions flottant aux vents lui donnant un air de caravane publicitaire. Il est midi, elle arrive de Port-Louis, un couple débarque, touristes perdus ? Le bateau ne reste pas longtemps à l’amarrage, il manœuvre agilement et repart vers le Port de pêche, en longeant l’ilot Saint-Michel.
Un couple s’est assis à une table à coté, le bonhomme est au téléphone, il prend des nouvelles d’amis qui sont à l’Ile d’Yeux, visiblement ils ont accosté il y a peu, impossible d’ignorer sa discussion, il répète ad noseam les mêmes mots, sa femme surveille le chien, qui va joyeusement marquer de son territoire chaque plate bande qui entoure le café. Elle l’appelle sans conviction, elle est payée en retour par l’indifférence de son chien. Au fond je vois la navette maritime qui a atteint le Port de Péche, même manœuvre rapide, elle prend son chargement d’habitués et revient vers le port de plaisance, mouvement de va et vient, au fond la grue continue de son rythme pendulaire le chargement. Comme au premier passage la navette est à peine restée, elle repart presque aussitôt, reprenant la direction de son port d'attache, c'est une navette: point d'aventure ni d'appel du grand large, juste un bateau un peu gros un peu pataud tournicotant dans son circuit triangulaire. Des collégiennes qui descendent du bateau s’arrêtent au café, un coureur passe en petites foulées, prend la direction de la digue, il va jusqu’au musoir, sans doute vérifier qu’il y a bien une fin à son univers, il fait demi-tour repasse devant la terrasse, la même foulée. Je vois passer la navette devant le fort de Port-Louis qui, avec la vigie à l’avant dominant la passe, joue les bateaux de pierre.
Chorégraphie de rituels.
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