Dans un jardin
2 participants
La Bouquine :: Ecriture :: Extraits
Page 1 sur 1
Dans un jardin
L’été est improbable, c’est ainsi, ce matin le calendrier me disait que l’automne approchait mais dehors le ciel était d’azur. Le soleil a pris ses aises, l’ombre est la bienvenue, mon voisin s’évente, essoufflé, geignant sous cette chaleur qui le pèse : nous sommes malheureux de ce que nous avons, inquiet de ce que nous pourrions avoir, accaparé par ce qui nous manque, car il nous manque toujours quelque chose, ce quelque chose dont nous jouissions hier avec dédain et qui nous désespère aujourd’hui. Cet aujourd’hui je le vis dans ce petit jardin clos de murs, caché au fond du couloir qui se devine derrière le comptoir. Autour de moi les tables trouvent leur place parmi les arbustes et les bosquets.
Le serveur a obligeamment posé le sablier devant mes yeux, l’infusion du thé est chose sérieuse, je me rappelle l’époque où mes grands parents utilisaient l’objet pour cuire les œufs, cette après-midi il sera le juge-arbitre de la dégustation du thé. Le sable s’égrène doucement, les madeleines attendent patiemment, elles ont le temps, moi aussi.
Un enfant s’approche, les bras encore potelés, il est d’humeur exploratrice, la démarche est un peu hésitante mais rien ne semble l’arrêter dans sa volonté de découvrir cet univers nouveau. Il s’arrête à ma hauteur, son regard ce tourne vers moi, il m’observe, s’approche, je lui souris, il babille quelque chose en s’accrochant au bord de la table, ce n’est pas clair, je pratique peu le babillage enfantin, mais je lui fais bon accueil.
Son père arrive sur ces entrefaites, il est désolé, je m’étonne puis le mystère s’éclaircit, les madeleines seules avaient grâce à son regard, le babillage était une exigence au mieux une quémande. Son père l’emporte loin de ce lieu de tentation, je le regarde partir avec le sourire, je continue à sourire quand je constate que ce chenapan en devenir n’est pas parti les mains vides, l’enfant à bon gout les madeleines sont excellentes.
L’air est frais dans ce jardin encombré de tables, les mots somnolent, je regarde s’évaporer le temps avec une distraction languide, les minutes se diluent parmi les rosiers dans un parfum de bergamote et de fruits rouges, la cannelle des madeleines apporte comme une touche de spéculos, mon palais m’emporte vers un ailleurs oriental.
Je note quelques lignes en surveillant du coin de l’œil mon brigand en culotte courte qui continue sa maraude, sous le regard réprobateur de ses parents mollement exigeant.
Finalement le thé est bu, les madeleines dégustées, mais le corps peine à se bouger, je me dis que ce serait bien d’y aller, oui ce serait bien, donnons-nous encore le temps de décider, oui c’est cela : je vais m’accorder encore quelques instants, quelques secondes, quelques minutes peut-être pas plus d’une heure, ou deux.
Dernière édition par Menuiziebihan le Dim 28 Sep - 8:33, édité 1 fois
Délicieux...
Ce texte est délicieux, le clin d’œil aussi.
Moment et lecture en harmonie.
Merci de ce partage.
Moment et lecture en harmonie.
Merci de ce partage.
Sujets similaires
» isilda en son jardin
» Dans la rue, un matin
» Jour de marché dans la Beauce
» Les nuages dans les mains - Paul Eluard
» Lavis encre rousse
» Dans la rue, un matin
» Jour de marché dans la Beauce
» Les nuages dans les mains - Paul Eluard
» Lavis encre rousse
La Bouquine :: Ecriture :: Extraits
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|