La Bouquine
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Message par Menuiziebihan Sam 7 Nov - 13:30

Qu’allait-il faire de ce texte ? D’ailleurs de quoi s’agissait-il au juste ? Un essai, un roman ?on lui avait dit une belle histoire mais toute histoire est belle, enfin en tout cas essaye de l’être, et souvent il en avait écrite d’assez belle. Il y avait toujours mis assez de sentiment , suffisamment de jolis mots, de phrases ciselées, d’instants un peu lest, enfin de ces choses qu’il faut mettre, vous savez bien : le décolleté un rien plongeant, le regard qui s’égare, la main qui se perd et parfois se retrouve, la gorge qui soupire, et plus encore si nécessaire, oui il savait mettre tout cela dans une musique qui sonnait bien aux oreilles. Et d’ailleurs la recette faisait recette, enfin avait fait recette. Mais voilà la plume était moins vivace, l’esprit moins délié, et le lecteur, mon Dieu, beaucoup moins lecteur.

Cependant il fallait vivre, alors profitant des quelques lauriers, un tantinet fanés, qu’une notoriété passée avait bien voulu lui laisser, usant de son nom sans grande modération, il commanditait, il sous-traitait à quelques individus plus inspirés que lui mais qui avait le bon gout de rester dans l’ignorance d’un publique que l’on croit trop souvent avisé. Il avait ses exigences, en fait il avait surtout une qui se résumait en assez peu de mots : il fallait que ce soit à la manière de...à la manière de lui-même bien sur, enfin de lui-même il y a longtemps quand la passion l’animait, la plume volait, les pages se noircissaient, les feuilles s’accumulaient et parfois, rarement au début, l’éditeur éditait, ce qui d’ailleurs importait peu car , dans ces années inspirées, le porte-monnaie n’était pas ambitieux et le temps n’avait pas d’horloge.

En ces temps bénis, on trouvait son style très personnel, original, on citait Céline, et bien d’autres, des noms flatteurs qui le faisaient rosir de plaisir au début et de feinte modestie ensuite. A l’étonnement de succès imprévus, d’accueils laudateurs, d’enthousiasmes empressés, de tous ces plaisirs nouveaux, succéda la placidité de l’habitude, voire l’exigence de la reconnaissance, l’ivresse du succès ne s’était pas envolée mais il lui fallait des alcools plus forts : les journées passaient, il rosissait moins, il souriait moins aussi. Le poignet de cet homme qui s’affichait écrivain se fatiguait, s’ankylosait, sur ses cahiers la poussière s’accumulait, les crayons bien rangés attendaient sagement, immobiles, une improbable visite de celui qu’ils avaient connu plus présent, plus fiévreux, plus heureux, aussi.

Aujourd’hui il était là, assis, indécis, étonné aussi, il regardait perplexe ce petit cahier où chaque page était noircie d’une écriture minutieuse, régulière, insupportablement régulière, les mots s'enchaînaient en lignes irréprochablement cadencées à l’horizontalité impeccable qui aurait désespéré le plus persévérant des graphologues. Mais ce n’était pas cette écriture minutieuse qui était cause de sa perplexité, c’était le texte, ce texte qu’il avait demandé, commandé même, acte commercial d’un auteur en perte d'inspiration, la commande était là , entre ses mains, sous l’apparence neutre d’un simple cahier. Cahier qui le renvoyait à l’écrivain qu’il avait connu il y a quelques décennies, jeune homme qui usait frénétiquement ses crayons tout à sa passion, déchirant presque dans sa rage les feuilles de papier de ses carnets qui parfois agonisaient sous les coups répétés des pointes énervées des crayons qu’une main enfiévrée agitait nerveusement. L'histoire se dessinait, le texte se formait,, le dialogue se tissait il vivait mille instants assis à ce bureau danse ce que es autres appelaient une solitude.

il avait été triste au désespoir, heureux au paroxysme, il avait vécu, peu intéressé de ses lecteurs mais si épris de ces vies qu’il voyait naître chaque jour, au détour d’une page, caché derrière quelques mots rageusement biffés.

Et le voilà aujourd’hui si peu lui-même, si tellement un autre, e nom n’a pas changé, la pièce ne s’est pas vidée, la table est toujours là, les lecteurs ne l’ont pas, tous, abandonné, mais lui sait que tout celà n’est plus, seule reste l’imposture.

ll feuillette à nouveau le manuscrit, les mots défilent au rythme des pages qui se tournent. Un temps, il prend un belle feuille de vélin, lisse et épaisse, héritage d’un temps ou le papier était pur lui synonyme de passion, et s’appliquant , comme peu il ‘avait fait, il coucha quelques mots, ce serait ces derniers mots, il le savait, ce n’était pas formulé, mais faut-il formuler un acte quand tout vous y pousse quand la foie raisonnable est une évidence. l’échéance informulé vous pousse au meilleur, alors dans ces dernières lignes il mit toute son âme.

Il glisse le manuscrit dans une grande enveloppe, il y joint la belle feuille de velin, Dans quelques heures, dans quelques jours, quelque part dans la ville, un jeune homme qui s’espère écrivain, recevra une enveloppe, avec son manuscrit et une belle lettre au joli papier de velin, il rosira de plaisir: le grand homme l’avait lu et avait pris le temps de lui envoyer un mot, en le lisant il sera étonné, ému aussi, avec à la fin quelque chose d’un peu serré, d’un peu lourd dans le ventre.

Les journaux feront part de la triste nouvelle, chacun y allant de son commentaire et surtout de ses questions, lui a la réponse mais le grand homme lui a laissé une autre question et il ne sait pas la réponse, pas plus qu’il ne la connaît d’ailleurs.
Menuiziebihan
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